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Jean VRP de la montagne
2 octobre 1997

1997-10-02 Castor et Pollux

Objectif 4000

 Si vous souhaitez commencer par regarder les photos, elles sont visibles à la fin de ce compte rendu.

 Je pense que la vie nous offre à tous des opportunités. Très souvent, on ne sent rend pas compte et on passe à côté de diverses occasions. En ce mois de juillet, on m’a tendu la main et je l’ai saisie !

Juillet 1997, nous sommes en vacances en famille en méditerranée. Nous sommes au bord de la piscine, à côté de nous, une famille profitant du soleil et de la chaleur, comme nous. Nous nous côtoyons plusieurs jours et finissons par faire connaissance. Nous parlons de « tout et de rien » mais aussi de montagne et je parle de mon envie de découvrir la montagne. Je n’ai aucune expérience et ne connais personne dans ce milieu qui m’est totalement inconnu. Jean (parce qu’il se prénomme comme moi) me propose de m’emmener fin septembre faire deux 4 000 m. Est-ce du bluff, sous son air bien sympathique, n’est-il pas en train de me « balader » ? Cela étant, il est évident que je suis très intéressé mais au fond de moi, je me dis que cela est bien compliqué à mettre en œuvre en 2 mois, car, aucun équipement, aucune pratique. Dans ma tête, je me dis quand même que la proposition sera peut-être sans suite !

Le lendemain, nous en reparlons, habitant Bruxelles, Jean nous propose de passer deux week-ends chez lui pour apprendre et valider les techniques d’encordage nécessaires à cette expédition. Il m’explique aussi qu’il me prêtera tout l’équipement indispensable. Je n’en crois pas mes oreilles, je suis tombé sur un mécène montagnard ! Ayant peur de ne pas être à la hauteur et d’anéantir la course, je le mets en garde, il me répond : « Lorsque tu n’en peux plus, lorsque tu es épuisé, tu n’as fait que la moitié de ce que tu peux faire, le reste c’est dans la tête pour aller au bout du bout ». Serais-ce un gourou ? En attendant, entre la technique, la marche en crampons, l’altitude et mon état de forme du moment, les maillons faibles ne manquent pas. Le doute ne me lâche pas.

 

Castor, Pollux, Mont Rose

A la fin de nos vacances, nous fixons les dates des week-ends avant de remonter dans le nord !

Malgré les engagements pris par Jean, j’ai du mal à y croire, j’ai l’impression que je vais me réveiller d’un mauvais rêve où qu’il n’y a pas d’abonné à son numéro de téléphone.

 

Mais tout cela est bien vrai ! Nous nous retrouvons en week-end à Bruxelles, je fais connaissance de sa sœur, Isabelle qui a été championne du monde d’escalade, rien que cela ! C’est elle qui me prêtera, l’équipement, super sympa ! Dans des vêtements comme cela, je ne peux qu’aller au bout ! Puis nous allons nous entraîner dans une salle d’escalade où nous ne sommes que deux, les deux « Jean » ! C’est la salle d’Isabelle ! Mais, dans quelle famille suis-je tombé ? Ils sont vraiment d’une grande humilité et formidables ! Je n’aurai pas deux opportunités comme celle-ci, je n’ai pas le droit de décevoir alors, je m’applique à tout ce que Jean m’explique et dorénavant, tout mon temps libre, je vais le passer à courir, à pédaler pour parfaire une condition physique un peu trop limite à mon goût.

Jean m’explique que l’objectif sera Castor et Pollux, deux sommets de 4 000m situés à cheval sur la frontière Italo-Suisse et comment il organise ce déplacement. Nous serons avec deux de ses amis et nous formerons deux cordées de deux au départ de Zermatt. Ils seront tous les 3 sur place dans la semaine et je les rejoindrais à Täsch en Suisse.

Octobre 2017 : Depuis Wizernes, c’est en train que j’arrive à Täsch. La gare d’arrivée est semi-souterraine pour ne pas gâcher cet endroit magnifique. Jean est fidèle au rendez-vous avec ses deux amis Thierry et Serge avec qui je fais connaissance. Pour nous rendre à Zermatt (1 608 m), pas d’alternative possible, c’est le train car les voitures sont prohibées. A Zermatt, il n’y a que des voitures électriques ou des calèches, que le bruit des sabots. Zermatt, c’est le Chamonix suisse, c’est une station de montagne réputée pour le ski, l'alpinisme et la randonnée située dans le canton de Valais. Zermatt, une bourgade riche et luxueuse au pied de l'emblématique Mont Cervin repris en image publicitaire par la barre de chocolat triangulaire Suisse Toblerone

 

 

Nous logeons dans un petit gîte. Nouvelles explications sur le séjour, mon cœur prend quelques tours mais je ne suis pas encore en zone rouge. Jean me demande de vider mon sac à dos et me le fait remplir en m’ôtant des affaires au passage, qui selon lui, ne me serviront pas, ce qui allégera mon sac. Il y a un dicton qui : « Dis moi ce que tu as dans ton sac, je te dirai qui tu es ! », lorsque l’on manque d’assurance, le sac se retrouve toujours en surcharge !

Le lendemain, nous partons donc en direction du Refuge du Mont Rose (2 883 m) par des sentiers de randonnées, pierriers et névés sous un grand le soleil, les paysages sont sublimes, chacun allant à son rythme. Arrivés au refuge dans l’après midi, Thierry et Serge partent en quête d’eau, nécessaire pour le repas du soir mais aussi pour le petit déjeuner. Ils pensent en trouver rapidement, on l’entend, ici ou là. Après 2 heures, ils reviennent, ils entendront souvent l’eau mais ils auront beaucoup de mal à trouver le bon endroit pour remplir les gourdes, heureusement qu’il n’y avait pas urgence. Après un bon repas, vers 21 heures nous sommes dans nos duvets, demain la journée sera longue, le réveil est donc fixé à 1 heure du matin.

01:00 – J’ai l’impression que je viens de m’endormir. Je m’extirpe de mon duvet, prends mon petit déjeuner, recharge le sac et me retrouve rapidement derrière ma frontale. Avec mes 3 compères, c’est sous une pluie d’étoiles que nous quittons le refuge. Le chemin nous emmène jusqu’à un glacier. Là, nous posons le cul à terre pour installer nos crampons et nous encorder. Je suis encordé à Serge, Thierry et Jean feront la seconde cordée. La traversée du glacier ne sera pas chose facile pour moi. Pour mes compères, encore moins car, tous 3 ont été à l’affût de mes faits et gestes, sans oublier, percevoir mes réactions devant les difficultés à franchir. A plusieurs reprises, les piolets sont plantés dans la glace pour faire un mouflage pour les passages dangereux et tout cela sous l’éclairage des frontales. Lorsque je les vois se démener, je me dis que les crevasses dont on ne voit pas le fond en journée sont bien plus stressantes de nuit surtout pour eux car je ne me rends pas réellement compte des dangers et le moindre problème pourrait devenir catastrophique. Le jour se lève alors que nous arrivons sur la moraine.

 

Le glacier passé, nous enchaînons de belles montées où il y a lieu de faire la trace, forcément une première pour moi. Chacun à son tour de la faire, de marcher en tête dans une neige fraîche, je n’y échappe pas, chacun participe, c’est très fatiguant. Le manteau neigeux atteint les genoux, c’est vraiment difficile, en plus en montée et avec un sac, malgré tout bien chargé (effet personnel, ravitaillement et corde). Des petits temps de pause me sont accordés, j’ai le souffle court, je n’ai jamais atteint une telle altitude. Elle se fait sentir pour un habitué du niveau de la mer comme moi, le pas se fait plus lourd et le cœur frappe fort dans la poitrine.

Heureusement, nous avons la météo avec nous et une très belle lumière qui nous fait cadeau de superbes dégradés du blanc neige au bleu azur des séracs, corniches ou autres glaciers. Tracer dans la neige, c’est fatiguant mais le plus dur pour moi reste le déplacement latéral sur les pointes avant des crampons, mes mollets s’en souviennent encore ! Difficile physiquement mais aussi psychologiquement car il faut une confiance aveugle en son matériel, et dans ce cas, les crampons.

Alors que nous arrivons en dessous du Col Felik, et que je suis bien fatigué, mes 3 compères sautent littéralement sur moi et me jettent de la neige au visage en me souhaitant la bienvenue à 4 000 m, ils sont vraiment géniaux. Une fois que j’ai repris mes esprits, nous avançons jusqu’à un rocher pour nous abriter du vent et nous faisons une pause déjeuner, en fait ce sera quelques morceaux de chocolat, bien agréable malgré tout, de toute manière, j’ai l’estomac noué ! D’ici, nous avons une vue sur le majestueux et tortueux Cervin, le Matterhorn (4 478 m). Nous traversons le Col Felik (4 061 m), le vent est fort, nous ne distinguons plus la cordée de Thierry et Jean. Encapuchonnés, le dos courbé, nous avançons dans le vent avec un mélange de neige et grésil qui nous fouettent le visage.

 

 

A 15 heures, nous sommes au sommet du Castor (4 223 m). Une belle et grande victoire pour moi et aussi pour mes compères qui ont réussi à m’emmener en toute sécurité à ce sommet. Après la photo souvenir qui s’impose, nous continuons sur l’arête. Nous redescendons au Zwillingsjoch (3 848 m), et, devant nous, Pollux (4 092 m) est là, 250 mètres plus haut. Mes compagnons sont impatients de s’y attaquer, mais moi, je suis très fatigué et ils s’en rendent compte. En quelques minutes, la décision est prise, je les attendrais ici. Ils partent tous les 3 en courant comme des enfants que l’on a bridé pendant des heures, ils sont survoltés, je suis heureux pour eux. Je ne me souviens plus, en combien de temps, ils ont fait l’aller/retour mais ce ne fut pas long, 3 furieux plein d’énergie, pensez donc !

Dès leur retour, nous reformons les cordées et prenons la direction de l’Italie et du Refuge Guide della Val d’Ayas. Le refuge n’est pas très loin, mais il y a une difficulté, et pas des moindres, le passage d’une longue arête où le vent s’engouffre régulièrement. Nous redémarrons, la neige est croûtée, le sol est un peu dur, pas de trace à faire, c’est ça de gagné ! Nous arrivons à cette arête que j’avoue, craindre un peu. Serge me donne des consignes précises lorsqu’un coup de vent arrive, il faut que je m’accroupisse pour ne pas être déséquilibré, une fois passé, il faut se relever et repartir, pas d’attente, pas d’hésitation ! Pour que Serge puisse me garder à l’œil, c’est moi qui serait en tête. Que ce soit côté italien ou côté suisse, je ne vois pas le fond, plus j’avance, plus le vide s’accentue. Les rafales se suivent, je suis exactement les consignes et tout se passe bien, jusqu’à….

Alors qu’une rafale vient de passer, je me relève doucement et alors que je suis en position intermédiaire, ni accroupi, ni debout, une seconde rafale me déséquilibre, en une fraction de seconde, je suis balayé vers le fond de vallée. Serge m’avait prévenu que si je chutais, il fallait anticiper en me jetant au sol et en plantant le piolet en m’y accrochant férocement. Dans un instant comme celui-ci, je n’ai pas réfléchi, je me suis référé aux consignes, c’était une question de survie ! Deux rafales successives ont failli avoir raison de moi mais c’était sans compter sur la dextérité de mon compagnon de cordée, Serge. Il surveillait chacun de mes mouvements et dès qu’il m’a vu partir dans le trou, lui a sauté délibérément dans le trou aussi, mais de l’autre côté, pour faire l’équilibre le temps que chacun se recolle et se stabilise à cette arête.

 

Le temps de reprendre mes esprits, à l’aide de mon piolet et mes crampons, je me mets à califourchon sur l’arête, puis, en absence de rafale, je me relève comme un funambule sur son fil, l’arête n’étant pas plus large que mes deux pieds juxtaposés. Une dizaine de mètres derrière moi, Serge effectue la même manœuvre en ayant toujours un œil sur moi et un mou de corde approprié.

Me voilà donc reparti, j’avoue que je n’en mène pas large, je suis concentré sur la pose de mes crampons et dès qu’une nouvelle rafale de vent s’annonce, je m’accroupis à nouveau. Ouf ! Ce sera la dernière. Cette traversée m’a littéralement épuisé, physiquement mais aussi mentalement, je n’aspire qu’à une seule chose, le Refuge Guide della Val d’Ayas où nous nous rendons.

Je suis mort de fatigue, cela fait 15 heures que nous avons quitté le Refuge du Mont Rose. Je suis lent et titube même « à moitié ». Serge me rattrape et m’explique qu’il faut que je fasse 50 pas puis je m’arrête comptant 10 secondes et je repars pour un cycle. Heureusement, que la neige reste dure et que la descente est « correcte », cela me permet de progresser, lentement certes, mais j’avance. Le refuge est maintenant en vue, mais aucune âme n’est visible ! Il est 18h00 quand nous sommes au Refuge Guide della Val d’Ayas (3 394 m), je m’assieds sur un rocher tandis que mes 3 compères font plusieurs fois le tour pour trouver comment y pénétrer. J’ai l’impression que tout est fermé, dans ma tête je me dis que je ne bouge plus, je trouverais bien un « coin » à l’abri du vent pour cette nuit si nécessaire. Le temps s’écoule et toujours pas de solution ! Il me faudra attendre de longues minutes pour qu’ils trouvent l’entrée de la partie hivernale du refuge. Je suis rincé !

 

Dans le refuge, 2 allemands sont là, ils avaient fermé tout le refuge pour garder un peu de chaleur. Mes 3 compagnons sont là, ils « pètent le feu » et moi je suis une « chiffe molle », un contraste saisissant, ils doivent probablement fonctionner à la bière belge J et ça a l’air très efficace ! Ils mangent, quant à moi, rien ne passe, la fatigue et le stress de l’arête m’ont tordu les intestins, j’arriverai seulement à prendre un thé.

Mes 3 compagnons échangent avec les allemands et rient de bon cœur, moi je digère ma journée qui a été très forte en tout point de vue, je serai le premier à me blottir dans mon duvet.

Après une bonne nuit et un petit déjeuner excellent, nous redescendons en vallée. Heureusement, que mes 3 compères ont pu se faire plusieurs courses avant que l’on se rencontre à Tasch car la fin de leur séjour a été plus cool pour eux.

A la question : « Le Mont Blanc, est-ce possible pour moi ? ». Une réponse collective m’est donnée : 

« Ce que tu as fait, est plus difficile que l’ascension du Mont Blanc et, là-bas, c’est une autoroute, pas de réel intérêt ! ». Au moins c’est clair et net !

Au final, j’en ai bavé, sans aucun doute, je ne sais si j’étais « au bout du bout » mais je pense avoir donné le maximum. Grâce à Jean, Serge et Thierry,  je suis allé là, où seul mon imaginaire flirtait avec ces endroits impossibles au travers de récits.

Pourquoi une personne de 35 ans offre un cadeau comme celui-ci à un gars de 45 ans, je ne sais pas ! Je sais simplement que c’est un cadeau inestimable de la part d’une personne inestimable.

Voilà, c’était ma première expérience montagne, j’espère que ce n’est qu’un début. Cela est gravé à vie dans ma tête. Un très grand merci à Jean, Serge et Thierry.

 

Les photos, c'est ICI

 

 

1997-10-02 000 Castor et Pollux

 

 

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Jean VRP de la montagne
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Jean VRP de la montagne
  • VRP, Voyager, Randonner, Pratiquer la montagne. Ce blog, a un seul but, partager la passion du Outdoor en montagne (randos, trails et autres) au travers de comptes rendus, de photos et de vidéos. Il y a plus de 100 publications, plus de 10 000 photos et de nombreuses vidéos. Pour être informé des publications, inscrivez-vous à la newsletter et n’hésitez pas de partager.
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