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Jean VRP de la montagne
5 septembre 2009

2009-08-29 Ultra Trail du Mont Blanc P2

UTMB, l’Ultra Trail du Mont Blanc – Partie 2

Chamonix, sommet mondial de la course nature

Si vous souhaitez commencer par regarder la vidéo, elle est visible à la fin de la partie 3.

Revenir à la partie 1

Après 60 km, 3 783 m de D+ et quasi 14 heures de course, à 08H25, nous arrivons au Col de Seigne, frontière naturelle entre la France et l’Italie je suis classé 1 899ème, soit 150 places de repris. Ce Col de Seigne, nous accueille avec un grand Soleil qui illumine le Mont Blanc, côté italien. Wouah !! Magistral, une carte postale haute définition sur laquelle je pense reconnaître quelques hauts lieux de la montagne : l’Aiguille de Tré la Tête, le Mont Blanc, le Glacier de Miage. Je ne connais pas de qualificatif pour désigner cet endroit, tellement c’est beau, la fatigue est vite oubliée. Je contemple avec émerveillement ce paysage hors norme.

2009-08-29 135 UTMB 2009

Magistral, le Mont Blanc, la Dent du Géant, les Grandes Jorasses, wouah !..... A cet instant, je me sens bien, un beau lever de soleil, une fraîcheur agréable, la vie est belle, rien à voir avec mon état d’hier soir. Momentanément, je décroche de la course et apprécie l’instant « T ». Après 1 ou 2 minutes, je reviens à la réalité, je suis conscient que je suis sur la « borderline », j’en parle avec un autre concurrent qui me dit : « Je connais bien le parcours, si tu me suis, je te garantis que tu seras dans les délais à Courmayeur, mais attention, je ne me retourne pas, OK » me dit-il, je lui réponds « OK ».

Nous prenons une photo et je n’ai qu’un seul et unique objectif : Ne pas perdre mon lièvre ! J’ai eu juste le temps d’apercevoir son prénom sur son dossard, il s’appelle Jérôme et le voilà parti, de mon côté, je n’ai plus rien à perdre (chacun sait qu’il faut toujours se méfier de quelqu’un qui n’a rien à perdre !) alors, sans réfléchir, je le suis, je n’ai pas d’alternative. Au col, j’avais remarqué ce grand gaillard, détendu malgré le retard que nous avions. Je ne devais pas le perdre de vue, sinon, c’était fini pour moi. C’est le lièvre qui m’a manqué l’an dernier, pas deux fois ! Me voilà donc aux trousses de ce nouveau compagnon de route en direction du Lac Combal. Dans la descente, je prends quelques risques mais je n’ai pas le choix. Nous doublons des concurrents, parmi lesquels, Thierry qui est en difficulté à son tour. Son point faible est réapparu, son dos. Depuis longtemps, il gère cela à la sensation pour que cela ne s’aggrave pas et là, il est, semble-t-il, à la limite du raisonnable. J’essaie, malgré tout de le motiver, lui qui m’a aidé et encouragé et qui m’a remis en selle en début de course, se déplace difficilement, je suis incapable de lui renvoyer la balle. Une nouvelle fois, il m’encourage et m’insuffle de l’énergie pour porter aussi loin que possible les couleurs du LNA, je lui promets de faire le maximum et file pour ne pas perdre de vue mon compagnon d’un jour. Le Lac Combal est en vue, c’est une haute vallée qui a été comblée par les sédiments transportés par les glaciers du Miage et de la Brenva que l’on peut voir maintenant. Là où la moraine s’arrête, le lac prend forme, un miroir qui renvoie des décors exceptionnels. 

Jérôme, mon lièvre éphémère

Nous arrivons au Lac Combal (1 902ème), j’ai repris 20 mn, un petit bol de soupe vermicelles et nous repartons vers l’Arête Mont Favre. Après une belle descente, difficile de se remettre à courir, il n’y a qu’1 km avant de partir à l’assaut de l’Arête Mont Favre, c’est raide, juste 500 m de D+ avant la descente sur Courmayeur. Je regarde très épisodiquement mon nouveau compagnon concentré à optimiser tous ses mouvements. Ici, un « flash » m’arrive, car je ne peux oublier mon passage l’an dernier avec Maryse, pointée à 1 minute de la barrière horaire. Pour notre première participation, nous nous étions soutenus et encouragés mutuellement pour arriver à Courmayeur, de très bons moments de partage.

Au sommet de l’Arête Mont Favre, je souffle mais mon compagnon a déjà enchaîné, il s’est déjà élancé dans la descente. Ici, le chemin bifurque un peu vers la droite et, devant moi, s’ouvre la continuité du Val d’Aoste avec en toile de fond le Grand Col Ferret. C’est lui qui devrait me donner l’accès à la Suisse, un nouveau point de vue qui coupe le souffle, comme si cela était nécessaire !! J’essaye d’enregistrer un maximum de paysages dans ma case mémoire et me lance à la poursuite de Jérôme sans perte de temps, le début est technique mais je ne m’en sors pas trop mal, puis, le chemin devient « roulant » et j’arrive à allonger ma foulée et regagner un peu de terrain.

Au loin, le Lac Combal

Nous arrivons au Col Chécrouit, je dis nous car j’ai rattrapé Jérôme au prix de gros efforts. Le ravitaillement est aussi bref que le précédent et nous voilà repartis, l’an dernier pour rejoindre Courmayeur, nous passions dans un chemin de 4*4 de montagne, bien large, cette année, c’est un « single ». Cela est beaucoup plus sympa à parcourir, par contre pour doubler, c’est beaucoup plus compliqué surtout si le trailer doublé ne fait pas d’effort ! Mon compagnon a trouvé, la méthode, lorsque nous nous trouvons « bouchonnés », et lorsque se dessine une épingle, il coupe à travers tout, au diable les pierres instables, branchages et hautes herbes, je le suis aveuglément, espérant qu’aucune vilaine chute ou entorse, ne me stoppe instantanément. Je ne veux pas perdre mon lièvre. Cela peut s’avérer dangereux, mais c’est payant. En rattrapant un petit groupe, j’aperçois Jacques, je lui dis d’accrocher le « wagon », il me répond que la tête ne va plus et qu’il jettera l’éponge à Courmayeur, j’essaye de le persuader. Sans succès. Là aussi, j’ai été dans l’incapacité de lui renvoyer la balle, il m’a aidé et je n’ai pas su trouver les bons mots pour le convaincre. Jacques, c’est sa tête qui ne veut plus et moi c’est l’inverse, c’est ma tête qui me persuade d’avancer, de ne rien lâcher, côté jambes, cela va mieux. D’ailleurs, je ne lâche pas mon compagnon et nous arrivons dans Courmayeur.

Nous traversons les ruelles au petit trot, je remercie Jérôme de m’avoir entraîné jusqu’ici, à cela il me répond : « Contrat rempli, je te souhaite bonne route. A tout à l’heure, à l’arrivée ! », je le remercie. J’aurais aimé qu’il me propose de partager encore un bout de chemin mais, aurais-je tenu le rythme sur la longueur !! A l’approche de la salle de sports qui fait office de base de vie, les accompagnants sont là, cela fait chaud au cœur. Christine vient vers moi, je l’informe que je suis bien mieux, physiquement et mentalement qu’aux Contamines, ce qui n’est pas le cas de Jacques que je viens de doubler. Je lui demande de l’encourager et qu’il pense au poème qu’il m’a fait découvrir à la Chapelle au long chêne à Clairmarais (voir à la fin du CR). Avant de rentrer dans la salle, je récupère mon sac de vie, suspendu à un portique, ils sont répertoriés par les numéros de dossards.

Arrivée à Courmayeur

Je rentre dans la salle. C’est une fourmilière, il y a une pièce avec des lits de camp, ils sont tous occupés, de toute manière je n’ai pas le temps ! Ici, le ravitaillement est complet, de la soupe, des pâtes, des fruits, etc… Beaucoup de tables sont occupées, je m’assieds à la première place disponible. Je commence par me changer, je passe du long au court, collant et tee shirt, il est midi, dans 2 heures le soleil sera au zénith, cela va chauffer cet après midi. Dans l’entrefait, Jacques arrive. A nouveau, je lui dis que nous allons repartir ensemble, sa réponse est sans appel : « Non ». Christine n’a pu le convaincre. Cette fois, c’est « officiel », Jacques n’a plus de « punch », il jette l’éponge à son tour. Lui et Thierry m’ont aidé en début de course et je n’ai pas pu leur « renvoyer l’ascenseur ». Je culpabilise, mais il m’exhorte à continuer. Pendant que je me change et pour éviter toute perte de temps, il va me chercher une assiette de pâtes, j’en mange un petit peu, sur le bout des dents car ça ne passe toujours pas ! Je fais le plein d’eau, et reconditionne mon sac, je tape dans la main de Jacques et je sors du ravitaillement, motivé. Il est 12H50 (1 846ème), malgré un arrêt de 42 mn, je repars avec 25 mn sur la barrière horaire, pas de quoi faire le fanfaron mais la descente avec Jérôme me permet de ne pas être (encore ??) hors course, 1 heure de gagnée en 17 km. Je dépose mon sac de vie et passe saluer les accompagnants. Tout d’abord, je demande des news des autres membres de l’équipe, Jackie et François sont passés il y a déjà 1h ½, quant à Jean-Louis, il a jeté l’éponge aux Contamines, trop tôt, ce n’était pas son jour ! Sur la CCC (Courmayeur Champex Chamonix) Bruno a aussi abandonné, le groupe dans lequel il était, s’est égaré dans le brouillard. Arrivé à Catogne, ils ont été arrêtés par la barrière horaire.

Les sacs de vie

Quelques échanges et embrassades et je quitte donc Courmayeur, il est 12H50, j’ai 78 km dans les jambes avec 4 280 m de D+, il reste 88 km et 5 124 m de D+, je vais bientôt basculer dans la seconde partie. Une chose est sûre, cette année, je ferai mieux que l’an dernier. Seul, je traverse Courmayeur presque incognito, l’ambiance est à l’opposé de ce que j’ai connu hier à Chamonix, je suis bien, je suis heureux, il n’y a pas à dire, la montagne, ça vous gagne ! Après quelques centaines de mètres, la réalité me tombe dessus, une ruelle qui monte bien, ma cadence baisse vite, très vite. Et pour cause, certes la fatigue est bien là, mais aussi le soleil qui approche de son zénith, la réverbération sur le bitume et les maisons me donnent l’impression d’être dans un four. Chemin faisant, les chalets s’égrènent, je quitte l’agglomération en pénétrant dans une forêt de sapins, je gagne quelques degrés, même si je suis encore sur le bitume mou, l’ombre me fait un bien fou. Le calme est redevenu mon premier compagnon de route, dans ma bulle, j’avance doucement mais sûrement. J’ai l’impression d’être seul, je ne vois n’y concurrent devant, n’y derrière, heureusement que le balisage est omniprésent, cela me rassure un peu. Je quitte le bitume et m’attaque à un petit sentier qui se raidit mètre après mètre. Il me faut sans cesse lever les pieds pour éviter les racines qui coupent le sentier. J’avance, doucement, un peu comme un automate, mais je ne fais aucun arrêt. A la sortie des sapins, j’aperçois mes prédécesseurs, les voir dans la difficulté, d’une certaine manière, « me réconforte », je ne suis plus seul dans cette « galère ».

Sortie du ravitaillement de Courmayeur

Après 01h40 de montée ininterrompue, je rejoins le Refuge de Bertone à 14H30 (1 649ème place), l’amélioration du classement est probablement due aux abandons. Comme à chaque fois, je pourrais me régaler, tant les ravitaillements sont copieux mais, seule la soupe aux vermicelles passe, alors pour l’instant, je ne change pas de menu tant qu’elle me permet de tenir le coup. Pour rejoindre le Refuge Bonatti, il y a 8 km et 400 m de D+, je ne ferai pas cette liaison seul, nous sommes plusieurs sur quelques dizaines de mètres mais pas de réel compagnon avec qui je pourrais échanger. Qu’importe, nous sommes sur un « single » en balcon à 2 000 m d’altitude qui nous offre un beau panorama, 2 heures d’une belle randonnée entrecoupée de footing dans les faux plats descendants, j’entraîne même le groupe !

2009-08-29 157 UTMB 2009

Un dernier sursaut et me voilà « déjà » au Refuge Bonatti, j’y arrive vers 16H25, je suis classé 1 648ème. A nouveau, le rituel s’instaure à ce nouveau ravitaillement, je suis rôdé, mes arrêts sont optimisés. Alors que je suis prêt à quitter ce lieu, j’entends mon prénom par une voix qui ne m’est pas étrangère, c’est François ! Il est en difficulté à son tour, il a mal à une jambe et m’annonce qu’il arrêtera dans la vallée à Arnuva (j’apprendrai à mon retour à Chamonix qu’il a été mordu par une vipère ! Il passera par la case hôpital !). Il m’encourage et me souhaite bonne chance. Il va m’en falloir, la route est encore longue. Je suis déçu pour lui, sur les 6 prétendants au départ, nous ne sommes plus que 2, Jackie et moi ! Je me dois de me relancer pour les coureurs du LNA. Le chemin pour Arnuva est bien agréable, un beau single peu technique majoritairement descendant. Au loin, en face de moi, l’imposant Grand Col Ferret, le soleil brille, je suis heureux. De l’autre côté de la montagne, à cette heure le 1er rentre dans Chamonix, il vient de terminer son UTMB, il s’agit de Killian Jornet en 21h33 à 16H03, il sera suivi de Sébastien Chaigneau en 22h36 et Tsuyoshi Kaburaki en 22h48, ils viennent d’une autre planète.

Tout est dit !

A 17H44 (1 625ème), je suis à Arnuva, je suis au pied du Grand Col Ferret, un col redouté, le plus haut, 2 535 m. Je fais un arrêt de quelques minutes, juste le temps de vérifier et compléter mon niveau d’eau. Bien que le soleil soit en train de perdre de l’altitude, je suis encore dans ses rayons et j’en suis bien heureux car la température baisse. De très nombreux coureurs, se vêtissent en long, que ce soit sur le haut du corps mais aussi pour les jambes. Pour ma part, aucune raison de me changer ici, je relance la machine. Je passe sur une passerelle en bois qui surplombe un torrent provenant d’un glacier. Sur une clôture, un drap est fixé avec une inscription en rouge : « Ne craignez pas d’être lent, craignez seulement d’être à l’arrêt, bon courage pour la fin », une mise en garde que je prends à la lettre. A partir d’ici, la montée se dessine lentement mais sûrement. Alors que je suis parti de 30 mn, je commence à me refroidir, il va être temps que je me couvre. Dès qu’une bergerie ou un abri naturel se présentera, je me poserai et m’équiperai pour la nuit car la température chute vite et le vent monte. Je comprends pourquoi nous étions si peu à quitter le ravitaillement en short/tee-shirt alors que beaucoup d’autres étaient vêtus déjà pour la nuit. En attendant, je ne vois toujours pas d’abri, le vent monte et la température descend. Ne voyant personne derrière moi, j’arrête au milieu du sentier et, bien qu’il ne fasse pas encore nuit, je me vêtis moi aussi pour la nuit, deuxième et troisième couche, mais je reste en short. Un peu de chaleur fait un bien fou, je repars revigoré et toujours motivé.

Direction, Grand Col Ferret 2 537 m

Je passe au Refuge Elena, rien à voir avec LNA. L’ascension est longue, je commence à comprendre pourquoi que même les connaisseurs le redoutent, le pourcentage augmente régulièrement. Le vent s’engouffre dans ce fond de vallée, et renforce la sensation de froid avec en prime un brouillard naissant. Durant cette montée, il y a quelques petites flaques, elles sont déjà prises par le gel, ce n’est plus une sensation de froid, il fait vraiment froid au dessus de 2 000 m d’altitude en ce samedi 29 août ! Pour y remédier, une seule solution, se bouger, c’est ce que j’essaye de faire, même si de l’extérieur cela n’y paraît pas beaucoup. J’ai l’impression de voir le col mais cela reste une impression mais je reste confiant car depuis Arnuva, même si j’ai été rattrapé par quelques trailers, j’en ai doublé aussi, et ça c’est hyper positif. Encore ¼ d’heure et j’y suis, je suis au Grand Col Ferret à 2 537 m, il est 19H29 (1 559ème), très content de passer ce nouveau col qui fait office de frontière avec la Suisse.

Comme à chaque passage de col, je jette un œil derrière moi, d’une part pour voir le point de vue, voir le trajet parcouru et son dénivelé et aussi voir si je ne suis pas le dernier et ce n’est pas le cas ! C’est bon pour le moral. Même si cela peut paraître choquant, cela réconforte, car presque synonyme d’être encore « dans le coup ». Encore quelques dizaines de mètres et me voici à l’abri du vent, j’ai presque une sensation de chaud ! Toujours en short, toujours avec une température proche du 0° mais sans vent, ça change tout ! Après avoir bien transpiré dans ces 800 m de D+ de cette ascension, je prends garde à ne pas me relâcher et au final, prendre froid. Maintenant, à moi la descente. De souvenir, il ne me semble pas qu’elle ait été trop technique car cela n’a pas marqué ma mémoire, pourtant 1 000 m de dénivelé négatif, ce n’est pas rien ! Deux heures me seront nécessaires pour rejoindre le fond de vallée et atteindre La Fouly à la tombée de la nuit.

2009-08-29 154 UTMB 2009

La Fouly, il est 21H35, avec 1h25 mn sur la barrière, je suis un peu au « radar », la seconde nuit s’annonce difficile, elle sera sans aucun doute, déterminante dans cet UTMB. Dans les ravitaillements, de moins en moins de monde, je m’interdis de m’assoir sur une chaise et encore moins à proximité d’une table, la peur de m’endormir me tenaille. Je trouve donc le banc idéal, pas dossier, et pas de table devant. Je suis donc assis avec les coudes posés sur mes quadris en train d’essayer de boire un peu de soupe. Seulement la fatigue finie par prendre le dessus et je m’endors jusqu’au moment où…..… mes muscles se relâchent. Le résultat est immédiat, mon bol se fracasse au sol, j’évite de justesse de me retrouver, moi aussi, par terre. Totalement hébété, je le ramasse, prends mes cliques et mes claques. Je pense quand même à faire un geste d’excuse à un bénévole et m’extirpe de cet endroit qui me paraît surchauffé. Heureusement qu’ici, les bols étaient en verre, sinon, je n’aurais peut-être rien entendu (aux précédents ravitaillements, ils étaient en plastique). Dehors, le froid me saisit, il me sort de ma léthargie où je m’étais réfugié. Je me change en essayant de reprendre mes esprits, la deuxième nuit s’annonce vraiment compliquée. Après la course, j’apprendrais que j’en suis sorti à 22h17. J’y suis donc resté 42 mn dont, probablement, 30 mn à dormir, assis sur mon banc appuyé sur mes genoux ! Je repars donc en prenant en « chasse » des trailers, content de m’être réveillé à temps. 

 

2009-08-29 124 UTMB 2009

Pour rejoindre Champex, il y a environ 500 m de D- puis une remontée d’aussi 500 m de D+. J’ai des difficultés à marcher droit, il vaut mieux que je ne rencontre pas les douaniers suisses, ils vont me demander si je n’ai pas consommé du chocolat à la fleur de pavot ! A plusieurs reprises, je risque la chute dans les taillis, même si le mental est toujours bien présent, la lucidité n’y est plus du tout. Je me focalise sur mes ouvreurs. Il me faudra 3h40 pour rallier La Fouly à Champex séparé de seulement 14 km et 500 m de D- et D+. J’ai toujours l’impression d’être lent mais, j’ai gardé une heure d’avance sur la barrière horaire. Pas de quoi se gargariser, mais c’est ça de pris car la route est encore longue. Il me reste environ 40 km et 2 500 m de D+ à faire, une montagne, encore une !! Je n’ai plus aucun souvenir de cette liaison, toutes mes forces ont dû s’orienter vers mes jambes et aussi mes bras pour m’appuyer sur mes bâtons. J’imagine que je me suis calé dans les pas de mes prédécesseurs et je me suis mis en mode automatique, guidé par la lueur de ma frontale.

 

2009-08-29 153 UTMB 2009

A Champex, il est 2 heures, je prendrai bien une petite soupe aux vermicelles, la soupe immuable ! Il n’y a que cela qui passe, mon système digestif est paresseux depuis le début, il n’aime pas les ultras. Pas question de perdre du temps, je fais le plein d’eau et 20 mn plus tard me voilà reparti. Je sors et longe le lac de Champex en direction de Bovine, le prochain objectif. Je repars avec deux autres coureurs dont je ne verrai jamais leur visage. S’ils sont là, c’est qu’ils ont le même état de fraîcheur que moi, c'est-à-dire, pas top. Tout comme moi, ils savent que les barrières horaires ne sont jamais très loin et comme moi, ils ne lâchent rien. Nous avançons un pas après l’autre en nous relayant car, il nous faut garder un bon rythme. Doucement mais sûrement le chemin se redresse, le pourcentage augmente et devient beaucoup plus technique, il faut plus de concentration sur les pieds, le sommeil repasse au second plan. François, Jacques et Jackie déjà Finishers de l’UTMB m’avaient prévenu, Bovine, c’est 600 m de dénivelé avec des marches de 30 à 50 cm, c’est ça Bovine, une montée démoniaque ! Une succession de marches à franchir, je veux dire de rochers, pas des petits rochers, des gros, voire très gros rochers où les mains sont régulièrement nécessaires et les bâtons encombrants. Des petits groupes se font et se défont en fonction de l’état physique de chacun, personne ne parle, la seconde nuit est une nuit de zombies. Pour terminer, nous évoluons dans une forêt de sapins dense avec des sentiers humide et gras. Je suis une vraie locomotive, pas que je tire mes coéquipiers mais au bruit de ma respiration. Après 33 heures de course quasi ininterrompues cette montée me semble interminable, tout comme cette 2ème nuit mais nous avons passé Bovine.

2009-08-29 134 UTMB 2009

En contournant un relief, un grand feu de bois éclaire un refuge, c’est La Giète, je passe sans arrêter, d’ailleurs j’ai l’impression d’être seul sur cette course, il n’y a pas âme qui vive ! Je profite de la lumière du feu de bois pour me retourner pour voir mes collègues, mais plus personne, je les ai distancés et je ne vois même pas de frontale ! Serais-je bon ? Ou moins mauvais ? La descente est proche, je rattrape un nouveau groupe, je me sens bien ! Ne me demandez pas pourquoi ? Je reste derrière momentanément, j’ai l’impression de me traîner. Ils sont quatre, peur qu’ils me mettent un mauvais rythme, je les double un par un, et je file, je suis pris d’une certaine euphorie. Après avoir pris une vingtaine de mètres d’avance, je ralentis car cela devient technique, pas de pierre, mais des racines, qui plus est, glissantes. Après quelques figures plus ou moins contrôlées, je ralentis, chuter ici serait trop bête. Les descentes sont traumatisantes, les genoux vont s’en souvenir longtemps. En fonction de l’état physique de chacun, des petits groupes se font et se défont, personne ne parle, trop concentré sur nos pieds. Le jour se lève, mais le soleil ne pénètre pas encore dans la vallée et nous sommes encore en sous-bois et j’en ai plein les jambes, la sortie du bois m’apporte un peu de lumière, le zombie que je suis émerge de la forêt, à une centaine de mètres, la belle église rose de Trient. Ce 2ème jour de course, je suis fatigué, mais heureux d’être là, une première pour moi, une formidable expérience de dépassement de soi.

 

2009-08-29 164a UTMB 2009

L’église de Trient est là, devant moi, il est 07H07 (1 363ème). Je suis encore en course, la barrière horaire est à 08H00 à la sortie du ravitaillement. Cela fait 36H40 que je cours, que je trottine, que je marche, aucune possibilité de faire semblant. Je m’offre une petite pause, il reste 2 gros dénivelés, Catogne et Tête aux Vents, rien n’est gagné. Je resterais bien ici, encore un instant, les bénévoles sont sympas, mais il me faut repartir, ma marge de sécurité reste réduite. Je quitte cet havre de paix avec d’autres zombies, direction Catogne et la France, dans l’autre vallée. Catogne n’est pas trop loin, juste 5 km mais avec 700 m D+ quand même ! Une fois n’est pas coutume, je prends la tête de notre petit groupe. Je suis en mode automate mais j’avance, j’ai en tête une banderole vu sur le parcours sur laquelle était écrit : « Ne crains pas d’être lent, crains seulement d’être à l’arrêt, courage pour la fin », alors c’est devant que cela se passe. Je ne sais pas comment je fais pour être encore debout et comment je fais pour marcher. Il m’est inimaginable de penser courir, pas de dialogue, nous sommes tous focalisés par le même objectif de la fin de journée, Chamonix. La cadence est donnée par le bruit de nos bâtons heurtant le sol. Je n’ai pas plus de souvenirs de cette montée, m’ont-ils doublé dans la montée, je ne sais plus 

 

La suite et fin, c’est ICI

 

2009-08-29 000 UTMB 2009

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Jean VRP de la montagne
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  • VRP, Voyager, Randonner, Pratiquer la montagne. Ce blog, a un seul but, partager la passion du Outdoor en montagne (randos, trails et autres) au travers de comptes rendus, de photos et de vidéos. Il y a plus de 100 publications, plus de 10 000 photos et de nombreuses vidéos. Pour être informé des publications, inscrivez-vous à la newsletter et n’hésitez pas de partager.
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