2021-07-06 GR5-Via Alpina-Mercantour J6

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06 juillet

Au départ d’Orsières (901 m)

Via : Liddes, Bourg St Pierre, Bourg St Bernard

En m’extrayant de mon duvet, je m’arrondis le dos pour un semblant d’étirement puis je palpe mon genou, RAS ! Tant mieux, je prends mon petit déjeuner, en chambre svp, presque le luxe ! Sauf qu’en guise de petit déjeuner, c’est un bon sandwich avec du thé et de la compote mais ça, je le savais. Je mets le sandwich dans le sac et j’avale le reste.

A 05h00, je suis dehors, le jour se lève et il fait doux, c’est super agréable. Je sais que les 2 000 m de D+ au programme du jour ne seront pas faciles alors j’apprécie cet instant « entre chien et loup » où le silence domine encore la bourgade. Pour l’instant, la vallée est mi-obscure, le ciel est un tout petit peu lumineux par le soleil qui se trouve encore loin derrière les plus hautes montagnes. D’ici quelques minutes, la vallée va s’éclairer progressivement et dans quelques heures, les rayons du soleil donneront toute leur puissance car aujourd’hui, la météo est annoncée bonne jusque 15 heures, alors il faut que j’en profite !

Mon premier objectif, atteindre Liddes pour 08h00 et pourquoi pas, m’offrir un café ! Mon premier kilomètre se fait sur un chemin de montagne avant de bifurquer dans un sentier. Les herbes sont hautes, la prudence est de mise, une glissade et tout peut s’arrêter, alors pas de bêtise. Je prête toujours attention à mon genou mais aussi à mes chevilles qui commencent elles aussi à prendre de l’âge. J’avais vu beaucoup de grenouilles au Lac Vert (Refuge des Chésery) mais depuis hier, ce n’est plus la fête à la grenouille mais c’est celle de l’escargot ! Ils sont nombreux, ils ressemblent aux escargots de Bourgogne, au moins la météo pluvieuse profite à quelqu’un !

Premier objectif atteint, je rentre dans Liddes à 08 heures. J’avais imaginé prendre un café là où nous avions séjourné (avec Christine, Lise, Guillaume et le petit Raphaël) le temps du week-end du Trail Verbier Saint Bernard en 2014, malheureusement, c’est le jour de fermeture. Sans m’écarter de ma trace, je continue donc ma route, il y a peu de commerces et en plus, ils sont fermés. Dès les habitations passées, je ne suis plus à l’abri, le vent se fait sentir, il est froid et en plus il me fait face. Je repousse la dépose du sac mais, je finis par m’incliner. Je profite d’un talus pour m’abriter, manger une barre de céréales et me poser. La goretex sur les épaules, j’endosse le sac, un effort dont je me passerai bien. Le côté positif est que les guenilles suspendues à mon sac vont peut-être séchées. L’âme en peine, je poursuis mon chemin, dans 2 heures je devrais être à Bourg Saint Pierre, peut-être sera-t-il encore temps de prendre un café, qui sait ! En traversant Liddes, je vois des panneaux de randonnée où il y est indiqué : Cabane Mille, Forny, etc… Cela me replonge 7 ans en arrière ! Quels bons souvenirs !

Quelques dizaines de minutes plus tard, je pénètre dans un bois et là, le vent n’a plus aucun effet sur moi, j’ai beau ouvrir toutes les fermetures à ma disposition, je bouillonne sous ma veste, je ne peux l’éviter, nouvelle dépose du sac, intérieurement, je peste ! Combien de temps, serai-je à l’abri de ce temps ? Je n’en sais rien, l’étape du jour n’étant que montante, je laisse déjà beaucoup de calories, j’aimerais quand même m’économiser un peu, la route est encore longue. La vue de Bourg Saint Pierre me donne l’espoir d’un café. Je traverse le village quelque peu désert, ma pause espérée devient utopique. Je quitte le cœur du bourg, RAS, rien à signaler, même pas un chat !! Si, un mazot impressionnant qui tient sur ses piliers de pierres, il doit avoir 2, peut-être 3 siècles, un monument du passé. Alors que le bourg, est derrière moi, il subsiste 2 habitations et l’une d’entre elles est un bar ! YES ! Je rentre et m’offre un grand café pour une pause de dix minutes. Voilà 4 heures que je marche et je suis à mi-chemin.

L’altitude aidant, doucement je me détache des arbres, par chance le vent s’est calmé. De l’autre côté de la vallée, la route menant au col disparaît progressivement sous des pare-avalanches. Hormis ce linéaire de béton, le vallon est très joli. De nombreuses marmottes sifflent de toutes parts, j’en vois quelques unes rejoindre leurs terriers. Par ici, il y a encore de nombreux petits mazots multi centenaires faits de mélèzes, certains ont été magnifiquement rénovés en mini résidence secondaire.

Ce petit paradis cesse au barrage hydro-électrique des Toules (Altitude 1 811 m), un barrage de 460 m de large avec une particularité, il possède un parc solaire flottant en construction. Sur le haut du barrage, il y a un stand avec des panneaux d’informations indiquant que ce projet aurait 50% de rendement en plus ! Il y a aussi un bar, mais pas de client, pas de touriste, donc pas de barman, personne ! Forcément, avec ce temps frais voire parfois froid ! Il y a bien un peu de ciel bleu, des nuages blancs en premier plan mais en arrière plan, cela se gâte. Tout au fond, et là-haut, ce n’est pas très joli à voir, le temps annoncé me semble bien en avance. Une accumulation de nuages d’une couleur indéterminée ne me rassurent pas sur la fin de l’étape. Je ne m’éternise pas sur les points de vue, j’essaye d’être le plus efficace possible.

Je longe le lac sur 500 mètres sur un sentier muletier puis je traverse un troupeau de vaches surveillé par un « vacher », je le salue mais il me semble dans son monde, totalement dans ses pensées, je me demande même s’il me voit dans cette montagne au milieu de rien. Un peu plus loin je franchis une passerelle qui surplombe un petit torrent, beaucoup de locataires des lieux font un bain de pattes qu’ils ont l’air d’apprécier !

Sur ce versant, peu de rochers mais beaucoup de terre, donc de beaux alpages qui se font envahir doucement par de nombreux rhododendrons qui colorent d’un rouge ce côté de montagne. Je passe à côté d’une ancienne bergerie à l’abandon, elle est immense, sous le poids des lauzes, la charpente en mélèze s’affaisse avec le temps. Alors que j’avais « tombé » la veste il y a seulement ½ heure, voilà la pluie et le vent qui reviennent et m’obligent à déposer le sac pour que je puisse m’étanchéifier. Au loin, il y a quelques grands bâtiments, cela doit être l’hospice, seulement aucune certitude, les nuages l’occultent en grande partie. Me dirigeant vers ce bâtiment noyé dans les nuages, j’attaque un beau névé dans la combe des morts dans une ambiance hivernale, le brouillard commence à m’engloutir. Ici pas de nécessité de crampons, la pente est douce et à priori sans danger, la neige est d’une consistance en sorbet, juste bien pour mouiller un peu plus mes chaussures. Selon l’épaisseur des nuages, je vois l’hospice puis il disparaît, il me faut juste encore un peu de temps.

Encore une centaine de mètres de montée qui devient un peu glissante. Alors que les nuages défilent sous mes yeux, au loin je pense discerner un renard qui se sauve derrière un amas rocheux, enfin c’est l’impression que  j’ai ! Rêve ou réalité ! Maintenant, je sais que dans quelques minutes je serai à l’abri de cette météo automnale, je vois bien le monumental bâtiment de l’Hospice. Je quitte le névé pour rejoindre la route par une courte pente raide et mets un pied sur le bitume et là, je suis bouche bée ! Face à moi, un renard ! Il n’a pas l’air du tout affolé, nos regards se croisent et il fait demi-tour, Wouah ! J’arrive à faire une photo alors qu’il se sauve, puis un selfie au pied du panneau du col pour figer cet instant magique. Il devait faire environ 25 cm au garrot et 125 cm avec une magnifique queue conique couleur fauve. J’imagine que c’est son odorat qui le guide ici par l’odeur potentielle de déchets de nourriture, il est peut-être un habitué des lieux.

Encore 50 m et je pousse la grande et lourde porte en bois de l’Hospice du Grand St Bernard. Dès mon arrivée, une personne civile m’accueille et me demande de la suivre au travers de couloirs austères et très propres. Je me retrouve dans une grande pièce richement décorée où l’on me demande de patienter en buvant un thé de bienvenu. Une fois réchauffé par cet excellent thé, cette même personne m’emmène dans mon dortoir en m’indiquant les infos nécessaires à ma nuitée, la salle de lecture (avec un parquet en marqueterie) et aussi connaître mon intention sur ma présence à l’office du soir. Je suis impressionné par ce bâtiment, des murs d’1 mètre d’épaisseur, de magnifiques boiseries, tout est net, parfaitement propre. Il règne une certaine sérénité, l’éclairage des pièces est indirect et sobre, des ecclésiastiques échangent avec des civils. Il y a aussi un groupe de jeunes mais je ne connais pas leur démarche dans cet endroit. Beaucoup de monde et peu de bruit, c’est très reposant.

Le dortoir contient 8 couchages, je suis le premier, il est spacieux. Je vide mon sac pour aérer son contenu, peut-être même que mes affaires sécheront, car la lessive d’hier est toujours humide ! Puis, une douche régénératrice avant une bonne sieste au chaud, car dehors, on n’y voit pas à plus d’1 mètre. A mon réveil, il y a un nouveau locataire, c’est un italien qui est arrivé et s’est installé. Une fois émergé, je le salue et j’essaye d’engager la conversation. Il parle correctement le français, ouf ! Ca facilite ! Il s’appelle Valentino, grand, svelte, avec une barbe, il a 73 ans mais ne les paraît pas. Lui aussi est de passage, il parcourt la Via Francigena (Le tracé original date de l’an 990 et va de Canterbury à Rome), c’est la troisième fois qu’il la fait. Nous échangeons de choses diverses, cependant, je ne connais pas sa motivation pour repartir une nouvelle fois sur ce tracé. Lorsque je le vois se déplacer, j’ai encore 7 ans de bon !

A l’extérieur, il verse avec des rafales de vent, pas question de mettre le nez dehors, je prends quelques notes pour mon compte rendu alors que la cloche sonne pour l’office. Je préfère attendre une nouvelle fois la cloche car ce sera pour le repas ! Nous nous retrouvons à 4 dans une salle, un jeune couple, Valentino et moi. Au menu, soupe aux légumes, poulet avec riz et légumes puis fromage et mousse au chocolat.

Avant de regagner le dortoir, je vais visiter la chapelle, elle est de toute beauté avec des fresques peintes au plafond mises en valeur par un éclairage adapté. A 20h30, je retrouve Valentino au dortoir, nous ne serons que deux. Ici comme ailleurs la crise sanitaire a freiné les déplacements de nombreuses personnes. Nous préparons nos sacs car, de concert, demain, nous nous levons à 5 heures. Un dernier coup d’œil à la fenêtre, dehors, le temps est abominable. 21h30, les frontales sont éteintes.

Une étape montante, même s’il y avait 2 000 m de D+, une belle étape pour la récupération des genoux. J’ai bénéficié d’une météo fraîche mais correcte, un peu de pluie, l’orage étant arrivé alors que j’étais arrivé. Sur le topo de la Via Alpina cette étape était prévue sur 2 jours (R115 et R116).

La vidéo de la journée, c’est ICI (4'00")

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