GR20 GR5 Epilogue

27 juillet 2016

Epilogue

Et si c’était à refaire ?

Je signe, si je pouvais, je signe même des deux mains !

Avant notre départ, je ne me suis pas posé la question : « Et si je devais abandonner au milieu de nulle part ? », cette question pouvait être légitime et, de mon avis, s’il y avait un abandon, c’était forcément moi, car je pensais être le maillon faible. Philou était un ultra trailer avisé, un marathonien, un éducateur de marche nordique, moi en comparaison, je suis un ultra trailer spécialisé dans la chasse aux barrières horaires en course, par contre j’avais une envie folle de réaliser cette traversée.

Je pense que par nature, « l’homme » n’est pas très courageux ! Lorsque l’on est au pied d’une montagne, il faut reconnaître qu’il est plus facile de prendre le télésiège que de prendre son courage à deux mains. Jean Jacques Rousseau le disait autrement : « Plus le corps est faible, plus il commande ; Plus il est fort, plus il obéit » et c’est sur ce dicton que je me suis appuyé.

Cette aventure nécessitait un minimum d’endurance physique et mentale car, tout transite par la tête. Si la tête fonctionne, si l’envie est là, les jambes suivent et cela, tant que l’on n’est pas « au bout du bout ». Il y avait bien des moments où cela n’allait pas, le moral, la météo, la fatigue, la perte du balisage, mais chacun sait que, cela fait partie du jeu. Malheureusement, lors de ces moments, point de photos et point de prise de notes, pourtant elles auraient toutes leur place dans ce compte rendu.

Six semaines sans interdit, six semaines sans connaître (presque) le lendemain, six semaines de liberté, cette sensation d’être là, je la dois à Christine et je suis bien conscient que beaucoup aurait aimé être à ma place. Six semaines ce n’est pas rien, cela a été long surtout pour elle, moi j’étais dans ma nature, dans mes montagnes. Elle le sait, il doit avoir un peu de montagne dans mon ADN. Aimer quelqu’un c’est aussi ne pas l’emprisonner. Il n’y pas à dire c’est une belle preuve d’amour de me laisser vivre de tels instants.

Et s’il me manquait cela ! Et s’il m’arrivait cela ! Et si je me faisais mordre par un patou ! Et si j’étais attaqué par un loup après une chute ! Et si !! Et si !! On ne peut pas toujours se dire : « Et si !! », surtout qu’il y a des tas de choses que l’on ne gère pas, en premier lieu la météo, les chutes de pierres et autres. Que ce soit dans les Alpes, en Corse ou à la maison. Incontestablement, j’aurai pu simplement être dans mon fauteuil à regarder « National Geographic », ou les revues spécialisées assis confortablement mais, quid de mes sens ? Je n’aurai jamais pu toucher les rochers, frémir au souffle du vent ou de l’émotion. Je n’aurai jamais vu de panoramas à 360°. Je n’aurai jamais entendu les cris de vautours qui se battaient pour s’approprier une proie ou les éboulis provoqués par les hardes de chamois. Je n’aurai jamais senti l’odeur de la garrigue, de la lavande, des pins et de ses composantes. Quant au goûter, les différentes saveurs des régions traversées, de la Corse aux pays de Savoie, des saucissons aux fromages, rien qu’à l’écrire, j’en ai à nouveau l’eau à la bouche. Il est vrai que, si j’avais choisi l’option « National Geographic », avec le temps passé devant le téléviseur, j’aurais pris le risque qu’il m’explose à la figure, à moins d’être surpris par un arrêt cardiaque ! Au final, il vaut mieux avoir un projet bien préparé avec, s’il y en a, des risques mesurés, que d’attendre chez soi que le ciel ne tombe sur la tête. Pour ma part, j’ai un besoin de vivre à fond et je n’ai nullement l’intention de rester devant mon téléviseur, mon bonheur est là-bas, dans ces montagnes !

Pendant ce séjour, j’ai souvent pensé à ma maman qui aurait aimé gambader comme je l’ai fait. Lorsque je l’informais que je faisais telle ou telle chose qui sortait un peu de l’ordinaire, elle me disait : « Tu n’es pas fou ! », et moi je lui répondais : « Pourquoi, si tu avais été à ma place, tu ne l’aurais pas fait ? », et à son tour, elle me disait : « Ce n’est pas une raison ! ».

Chaque jour, dans ces montagnes, mon cœur battait plus que de raison, certes par les efforts consentis, mais aussi par les surprises journalières. Ici, il y a tout pour être heureux, le grand air, le soleil, l’eau, le calme. Mais que vais-je trouver sur ma route aujourd’hui ? Aurais-je la chance de surprendre des animaux ? Que vais-je apercevoir derrière ce col, derrière cette montagne ?

Lorsque le parcours était presque figé, il était prévu de faire la « totale », le GR20 du Sud au Nord suivi du GR5 via le GR52 (le parc du Mercantour), pour cela, nous aurions, à Nice pris le GR5 jusque Aspremont, bifurqués sur le GR51 (les Balcons de la Méditerranée) jusque Castellar où l’on aurait récupéré le GR52 au Plan du Lion et pris la direction de Saint Dalmas de Valdeblore par Sospel et la Vallée des Merveilles. Cette variante de Nice à Saint Dalmas de Valdeblore nous aurait pris environ 3 jours supplémentaires mais comme Philou souhaitait vivement rentrer pour le 31 juillet, je n’ai pas voulu prendre de risque et privilégier le bonheur de randonner. Je ne voulais pas que cela ne devienne une course pour arriver dans les délais, je nous ai donc limité au GR5 Alpin, ne connaissant pas non plus nos limites. Avec du recul, je suis arrivé sur la rive du Léman à Thônon le 26 juillet, cela était donc bien réalisable.

Le GR5 se parcourt, en général entre 30 et 40 étapes (d’après les topos le relatant) selon les critères que l’on y ajoute, rythme, autonomie et surtout vos envies. Pour ma part je l’ai fait en 29 jours. J’aurais pu faire plus vite et gagner quelques jours, mais quel intérêt de voyager dans des décors aussi exceptionnels s’il faut passer son temps à regarder ses pieds pour ne pas trébucher et oublier de s’arrêter de temps à autre pour contempler cette nature. J’aurais aussi pu prendre plus de temps, opter pour des variantes ou des sommets, flâner ou autres mais j’avais fini par intégrer cette date du 31 juillet voulue par Philou.

Echapper à la routine via un voyage à pied, s’ouvrir un peu sur l’inconnu (Même si ce voyage est préparé de longue date), cela a toujours été un rêve. L’excitation était présente depuis la validation de ce projet, et cela a été amplifié par les imprévus de ce voyage. Ne pas connaître de quoi le lendemain sera fait est source d’une certaine excitation.

Si je devais prouver quelque chose, et bien voilà ! La réussite d’un tel projet est possible même sans être un spécialiste. Il suffit en premier lieu de croire en ses rêves, l’envie et la volonté font le reste. Pour ma part, je n’avais pas à prouver quoi que ce soit à qui que ce soit, donc « cool ». Pour moi cela n’a pas été un chemin de croix, mais un chemin de joie.

Ce projet j’en ai parlé longtemps, peut-être même que, quelques uns en avaient marre d’en entendre parler, et bien, maintenant, je peux en parler en connaissance de cause, la boucle est bouclée. Aujourd'hui, place à d'autres rêves, d’autres envies car, il ne faut pas perdre de temps, ne pas remettre au lendemain, il faut réaliser ses rêves, après il sera trop tard. Si je peux me permettre un conseil, « Il faut sortir de sa zone de confort », être audacieux, faire des projets mais, les réaliser, la vie est trop courte, le plus difficile est de passer la porte, ensuite, le voyage fait le reste. Une chose est certaine, ne pas attendre que « tous les feux soient au vert ».

Côté organisation, je pense que je n’étais pas loin de la vérité, pas loin de ce que je souhaitais. Si c’était à refaire, partir en duo, je prendrais en compte que, l’un ou l’autre peut être contraint de s’arrêter. Dès l’origine, ce serait 2 personnes en totale autonomie qui partagerait un voyage de telle manière que si l’un s’arrête, il ne mette pas le second dans la « m…. ». Cela étant, je suis très heureux de ce périple avec Philou, très heureux qu’il soit « finisher » sur le GR20. Les colis que j’avais préparés qui m’ont été expédié par Christine, c’était le top. Après coup, j’aurai pu faire un peu moins lourd, mais pas me séparer de mes bâtons, même s’ils m’ont servi très peu, principalement lors de la traversée des névés sur le versant nord du Brévent, j’étais super content de les avoir. Dans mes colis, il y avait des Kleenex (PQ), des petits déjeuner, des repas lyophilisés, piles, dentifrice, rasoir, de petites surprises de Christine.

Cette rando, nous l’avions choisi, nous savions que cela ne serait pas facile. J’assume totalement ce choix. Je sais que rien n’a été facile, et c’est parce que cela n’a pas été facile qu’aujourd’hui j’en tire une grande satisfaction. La majeure partie des choses que j’ai dû gérer, je l’ai fait, le manque de gaz, la météo ou autre, ce n’était du ressort de personne. Il y a eu des hauts et des bas, des hauts admirables et des bas parfois détestables. Le balisage est fait pour majoritairement, du nord au sud !! Résultats quelques erreurs ici ou là qui ont généré quelques énervements, mais cela fait partie du jeu. Sur les nouveaux topos, il est indiqué le temps moyen entre les lieux, sur le GR5, chaque jour, j’avais au minimum 1 heure d’avance sur ce temps moyen. En fin d’étape, je profitais de ce bon moment et j’imaginais aussi que le lendemain serait une étape encore plus belle, plus belle car inconnue, plus belle car pleine de surprises et cela faisait oublier la fatigue.

Ce qui m’a manqué : idéalement, ce sont des cartes et des jumelles pour identifier des sommets, plus d’assurance, pour prendre plus de temps dans les étapes, au risque d’arriver plus tard au lieu de bivouac ou d’hébergement.

Ce qui m’a marqué : la faune, la diversité de la flore avec ses nombreuses couleurs, la beauté de paysages uniques, les grands espaces, les points de vue au passage des cols, le silence.

Je craignais le retour, je craignais un « vide » après ces 6 semaines noyé dans la nature. Cela n’a pas été le cas, en fait beaucoup de monde m’a demandé de mes nouvelles, de raconter un peu cette rando, donc le vide s’est rempli progressivement, le retour s’est fait en douceur.

J’estime avoir rempli mon contrat. Tout d’abord avec Philou, son projet original était de réaliser le GR20, je l’ai accompagné jusqu’en métropole sain et sauf ! Quant à moi, même si la difficulté a été amoindrie sur le GR5 après mettre délesté de ma tente et de profiter des couchages en refuge, je suis pleinement satisfait de ce parcours, mon objectif est atteint.

Vous le savez, je suis comme certains disent : « sur la pente descendante », cela étant, je n’ai pas de temps à perdre et je suis heureux que je puisse encore réaliser les activités que j’aime, car il reste tant de choses à faire, à découvrir, à faire découvrir, à partager. Seulement, au fil des ans, elles seront de moins en moins nombreuses et je sais que les aventures vécues prennent peu à peu le dessus sur les projets à venir. La vie est ainsi faite, mais je peux me réjouir que je puisse encore la remplir. Après que je ne pourrais plus vivre cela, je ferai probablement comme d’autres avant moi, je me laisserais envahir par la nostalgie.

Pour réaliser cette balade, j’avais évidemment une grande envie, mais j’avais aussi des alliés de poids, Christine qui m’a envoyé mes colis selon mes désidératas avec de belles surprises et un poids mini, accompagnés de petits mots, les enfants (principalement le routage de Guillaume lors du Tour de France), les petits enfants (Raphaël pour ses dessins) et vous tous, pour vos messages d’encouragement que je découvrais souvent en arrivant en fond de vallée car la moindre faiblesse de cet appui aurait pu être fatal, vous êtes associés au succès de cette traversée. Pour terminer, je n’oublie pas mon ami Jean (le Belge) qui m’a donné l’envie de découvrir ce qu’il y a derrière la « montagne », lui qui m’a dit un jour : « Lorsque tu es au bout, tu as fait à peine la moitié de ce que tu peux faire, le reste, c’est dans la tête que cela se passe », une manière de penser qui m’a permis à plusieurs reprises de repousser mes limites, il est si facile de jeter l’éponge, MERCI Jean. Sans vous tous, ce projet aurait vraisemblablement vu le jour mais n’aurait jamais abouti.

Je sais bien que ce compte rendu ne vaut pas les aventures de « Koh Lanta » ou de « The Island » mais il a le mérite d’exister et, dans une dizaine d’années, je serai heureux de le parcourir pour me remémorer ce séjour.

Voilà, maintenant c’est fini, c’est réellement fini, après avoir vécu cela en 2016 et l’avoir partagé avec vous en 2017 à travers ce compte rendu, place à de nouvelles aventures. Mais rien d’arrêté à ce jour. Si vous êtes toujours en train de me lire, c’est que cela vous a plu et cela me fait plaisir. C’est aussi, que vous êtes persévérant et que vous avez de l’endurance ! Prêt à endosser le sac à dos, allez ! Sortez de votre zone de confort et vous ne serez pas déçu ! Le plus difficile, ce sont les premiers pas !

Toutes les vidéos de ce périple sont visibles sur « ma » chaîne Youtube. Le lien https://youtu.be/guO4Icik_iU vous permet de voir successivement les 9 vidéos représentant cette traversée, une belle soirée d’hiver de 02H45.

Cette année 2016 aura été très riche par cette super rando, je la conclurai fin août en participant à un trail dans la vallée de Chamonix : L’OCC (Orcières, Champex, Chamonix), course de 53 km avec 3 300 m de dénivelé positif.

Maintenant, c'est vraiment fini 😭😭😭